Définition de la motivation

Il existe au sein de la littérature plusieurs définitions de la motivation, qui diffèrent légèrement entre elles, la plupart du temps découlant d’une différence de modèle explicatif. Cependant, un consensus existe pour les aspects principaux de la motivation. Voici la définition sur laquelle tout le monde s’accorde : 

“La motivation est l’ensemble des variables et processus qui déterminent l’initiation, la direction, et le maintien d’un comportement.”


    Vous n’êtes certainement pas plus avancé. C’est le problème des définitions, et c’est d’autant plus vrai dans le domaine scientifique. Décortiquons ensemble l’énoncé. Les “processus” sont soit émotifs, sociaux ou cognitifs. Il peut donc s’agir d’une joie ressentie lors de la réalisation du comportement ou encore d’une influence sociale. Les “variables” correspondent à tout ce qui n’est pas un processus et qui peut venir influencer la motivation. Enfin, les 3 derniers termes caractérisent les aspects essentiels de la motivation. Pour atteindre un objectif, par exemple lire jusqu’au bout cet article, le désir de finir la page n’est pas suffisant. Il faut pouvoir enclencher la décision (i.e finir sa lecture), et la maintenir avec une certaine intensité. Ainsi, si la décision n’est pas suffisamment maintenue, vous avez de grandes chances de passer à autre chose. Donc, le désir seul n’est pas suffisant.

Les deux types de motivations

Les chercheurs différencient deux types de motivations : La motivation extrinsèque qui correspond à tout ce qui est externe à l’individu, et la motivation intrinsèque qui est interne à l’individu. Le schéma ci-dessous résume bien les deux types de motivation. Le point qui manque sur cette image est que les éléments de la motivation intrinsèque (i.e curiosité, intérêt, etc) sont toujours à considérer en lien avec la tâche réalisée, par exemple un cours de géographie.

Prenons un exemple pour illustrer cette différence. Bobby, un employé d’une entreprise d’ingénierie doit réaliser une formation de prise de parole en public sur le catalogue WiDiD, afin d’améliorer sa présentation lors d’un futur séminaire. Ce qui va pousser Bobby à réaliser la formation en entier ce n’est certainement pas l’attrait pour la formation. Bien que la VR tend à faire son petit effet. Mais plutôt, parce que son entreprise attend de lui qu’il le fasse, que ça fait partie de ses engagements en tant que salarié, etc. Ces raisons font partie de la motivation extrinsèque car elles ne sont pas liées à la tâche elle-même ni à des caractéristiques internes à l’individu. Bobby ne réalise pas la formation parce que ça lui plait. En revanche, il est possible qu’en réalisant la formation il développe un intérêt pour la prise de parole en public. Dans ce cas, sa motivation ne sera plus entièrement extrinsèque mais aussi intrinsèque. Bobby réalisera la formation jusqu’au bout parce qu’il apprécie la formation, et parce que cela fait partie de ses devoirs. Ceci permet d’illustrer la non binarité de la motivation. Si la motivation intrinsèque est présente, cela ne signifie pas que la motivation extrinsèque est nécessairement absente. 

Un peu à l’image des protons qui renferment d’autres éléments, certains chercheurs ont découpé la motivation extrinsèque en 3 parties, d’autres, adoptant la théorie de l’auto-détermination, en définissent 4. Concernant la motivation intrinsèque, elle est plus rarement divisée, et sa division fait moins consensus. Vallerand et son équipe évoquent trois composantes au sein de la motivation intrinsèque : 

  1. Motivation intrinsèque d’apprendre = Le plaisir d’apprendre quelque chose.
  2. Motivation intrinsèque à l’accomplissement = Le plaisir d’accomplir quelque chose.
  3. Motivation intrinsèque à la stimulation = Plaisir sensoriel, esthétique, émotions.

J’ai détaillé ces différents types car ils permettront une meilleure compréhension du sujet que nous allons à présent découvrir. 

Motivation et Gamification

A présent que nous sommes un peu familiarisés avec le concept de motivation du point de vue de la psychologie, il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Avant d’aller plus loin je vous conseille d’avoir lu les articles définissant et creusant le concept de gamification (ici). Vous pouvez aussi écouter ce podcast qui explique bien le concept.

    La gamification est aujourd’hui un domaine de recherche en pleine expansion à l’image de ce que l’on observe sur la figure 1 et 2. Novateur, les premiers articles traitant du sujet datent de 2014, et qui est très prometteur pour de nombreux domaines (e.g education, marketing, etc). Dans ce billet de blog nous allons nous intéresser au domaine de l’éducation.

figure 1. Nombre d’articles publiés sur la gamification en fonction des années de publications.
figure 2. Nombre d’articles publiés sur la gamification en fonction des années de publications.

De par sa jeunesse, la gamification n’a pas encore franchi les grilles des écoles ou les bancs de l’université. Cependant, de plus en plus d’études avancent des preuves de son potentiel à booster et émanciper les apprenants autour de l’apprentissage. Il faut néanmoins garder en tête que la gamification en elle-même n’est pas un jeu. La gamification ne rend pas n’importe quoi fun. Vous en doutez ? Testez vous même cette parodie de la gamification  Progress Wars.

Capture d’écran du menu de « Progress Wars ».

Il faut donc être rigoureux dans la conception du dispositif gamifié. L’étude que nous allons décortiquer brièvement, avance une autre limite à garder en tête : La gamification ne fonctionne pas de la même manière chez tout le monde. 

L’étude de Buckley et son équipe a pour but de faire avancer le débat sur l’utilisation de la gamification en milieu scolaire. Pour ce faire, ils ont recruté une centaine d’étudiants réalisant un apprentissage gamifié du système de taxe national (Irlande). Trois mesures furent prises :leur motivation extrinsèque, intrinsèque et leur performance concernant le système de taxe national. 

Le dispositif gamifié exploitait le “prediction market”. L’outil consiste à réaliser des contrats sur un futur incertain, par exemple la réalisation d’un devoir. S’il est réalisé dans les temps il prend de la valeur sinon il décroît. Chaque étudiant peut ainsi voir sa valeur et ses gains qui sont affichés en temps réel via une monnaie virtuelle. Dans l’étude les prédictions se réalisaient sur des questions autours du système de taxe national, de telle sorte que plus l’étudiant disposait de connaissance sur le système et meilleures étaient ses prédictions. 

L’outil permettait ainsi de regrouper l’ensemble de ces éléments de gamification relevées comme les plus pertinents d’après la littérature :

  • Objectif, règles spécifiques : Les activités gamifiées ont des règles claires qui déterminent ce que le joueur peut on ne peut pas faire.
  • Récompenses : Système de récompense SAPS (Status = Statut social, Access = Accès à des éléments en exclusivité, Power = Pouvoir et Stuff = Objets à gagner).
  • Retour rapide sur la performance de l’apprenant.
  • Éléments compétitifs, classement, score, etc.

Les résultats révèlent que le dispositif gamifié améliore la connaissance du système de taxe national. L’absence d’un groupe contrôle empêche cependant d’affirmer qu’il serait plus efficace. Concernant la motivation intrinsèque, seul la motivation intrinsèque à l’accomplissement n’a pas été corrélé positivement au dispositif. Autrement dit, la motivation intrinsèque envers l’accomplissement ne permettait pas de prédire significativement l’efficacité du dispositif gamifié. Pour la motivation extrinsèque c’est inversé car seule la motivation extrinsèque d’identification atteignait le seuil de significativité. Les auteurs expliquent cette absence de résultats par la nature du dispositif gamifié qui était radicalement différent du système classique retrouvé dans le système éducationnel. Ils remontent aussi que certains étudiants n’ont pas réussi à exploiter le dispositif afin d’améliorer leur apprentissage. Au contraire, ils ont eu davantage de difficultés. 

Ce que nous avons vu

    Nous avons vu ce qu’est la motivation, et quelles sont les deux grandes parties qui la composent et que la gamification est devenue un objet scientifique à la mode. Nous avons aussi listé les éléments de gamification utilisé dans l’étude et reconnus dans la littérature. Enfin, la motivation est en effet influencée par la gamification, mais en regardant plus en détail il s’agit de la « motivation intrinsèque d’apprendre », « à la stimulation », et la « motivation extrinsèque d’identification ». Ainsi, la relation entre motivation et gamification n’est pas si simple, et il faut faire attention à ces points lors de la mise en place d’un dispositif gamifié. 

Références :

Motivation :

Camus, Gauthier, Sophie Berjot, Camille Amoura, et Jacques Forest. « Échelle de motivation à (re)travailler: Vers une nouvelle approche de la théorie de l’autodétermination. » Canadian Journal of Behavioural Science / Revue canadienne des sciences du comportement 49, no 2 (2017): 122‑32. https://doi.org/10.1037/cbs0000072.

L’étude investiguée dans ce billet :

Buckley, Patrick, et Elaine Doyle. « Gamification and student motivation ». Interactive Learning Environments 24, no 6 (17 août 2016): 1162‑75. https://doi.org/10.1080/10494820.2014.964263.

Autres études de gamification d’ou proviennent les graphiques :

Loureiro, Sandra Maria Correia, Ricardo Godinho Bilro, et Fernando José de Aires Angelino. « Virtual Reality and Gamification in Marketing Higher Education: A Review and Research Agenda ». Spanish Journal of Marketing – ESIC 25, no 2 (8 octobre 2021): 179‑216. https://doi.org/10.1108/SJME-01-2020-0013.

Oliveira, Wilk, Olena Pastushenko, Luiz Rodrigues, Armando M. Toda, Paula T. Palomino, Juho Hamari, et Seiji Isotani. « Does Gamification Affect Flow Experience? A Systematic Literature Review ». ArXiv:2106.09942 [Cs], 18 juin 2021. http://arxiv.org/abs/2106.09942.

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